« L’âge d’or est le dernier volet d’une trilogie documentaire que Jean-Baptiste Alazard a appelée La Tierce des paumés. Lesdits paumés ne sont pas tant perdus, pourtant, qu’égarés volontaires dans des paysages de campagne française où, à rebours de l’accélération fatale à quoi le monde est promis, ils ont fait le choix de vivre autrement — vagabondage, ermitage, au plus près d’une nature nourricière dont ils goûtent les mérites oubliés. Titou et Soledad vivent sous les falaises des Corbières, entre une caravane et une bergerie, sans eau courante ni électricité. Les jours les voient s’affairer dans les vignes, vendre dans les villages voisins le vin qu’ils en tirent, accomplir de menus travaux avec des machines d’un autre siècle ou marcher jusqu’aux éoliennes immenses qui, dans ce paysage, sont comme les vestiges d’une vie littéralement extra-terrestre ; le soir, à la lueur vacillante des bougies, ils font de la musique, discutent avec des amis de passage, parfois évoquent vaguement leur choix. En se refusant à les passer à la question, le film les soulage d’avoir à se justifier d’une existence qui, pour fruste et laborieuse qu’elle soit, fait flotter un doux parfum d’évidence. Il s’agit plutôt de les accompagner, amicalement, et surtout de rendre, dans le grain abondant de l’image, l’ivresse offerte par le vent, la lumière du printemps, le rêve d’un âge d’or qui, peut-être, est une promesse plutôt qu’un souvenir, et que rien ne saurait résumer mieux que ces mots d’Areski et Brigitte Fontaine, glissés fraternellement dans la bande son: “Le silence viendra rafraîchir ma mémoire / Un oiseau chantera pour moi le dernier chant / Et mes yeux s’ouvriront enfin dans la nuit noire / Où la moisson en feu joue avec l’océan.” » (Jérôme Momcilovic)

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